le rôle du syndic en cas de cession d’un bien : la question de « l’état daté »
La loi « ALUR » du 24 mars 2014 oblige depuis son entrée en vigueur le 27 mars, en cas de vente de lots de copropriété, à communiquer ou annexer « à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente », en sus du dossier de diagnostic technique et de l’attestation de surface « Carrez » qui doit aussi désormais mentionner la surface habitable, un certain nombre de documents, le délai de rétractation ou de réflexion de 7 jours prévu à l’article L271-1du Code de la construction et de l’habitation (CCH) ne courant qu’à compter du lendemain de leur communication à l’acquéreur (article L721-2 du CCH – notre ressource du 01/04/2014« La loi ALUR publiée : détail des mesures d’application immédiate et différée» ). Ces documents ou les informations qu’ils contiennent sont censés être en possession du vendeur à qui incombe a priori exclusivement la responsabilité de les fournir : règlement de copropriété et ses modificatifs, procès-verbaux des assemblées générales des trois dernières années, s’il en dispose, montant des charges courantes du budget prévisionnel et des charges hors budget prévisionnel qu’il a payées au titre des deux exercices comptables précédant la vente, les sommes pouvant rester dues par lui au syndicat des copropriétaires et les sommes qui seront dues au syndicat par l’acquéreur, qu’il connaît parce qu’il sait ce qui a été voté par l’assemblée, le montant de la part du fonds de travaux rattachée à ses lots et le montant de sa dernière cotisation versée au fonds, et enfin l’état global des impayés de charges au sein du syndicat et de la dette vis-à-vis des fournisseurs. Concernant ces deux informations, rien ne dit dans la loi – il faudra attendre s’il y a lieu la modification du décret du 17 mars 1967 – que le copropriétaire doive fournir autre chose que ce dont il dispose, à savoir l’état financier de l’annexe 1 du décret du 14 mars 2005, annexé à la convocation de la dernière assemblée annuelle d’approbation des comptes.
Force est de constater que les notaires et de nombreux agents immobiliers, peu désireux d’aider les copropriétaires vendeurs à constituer leur dossier de vente, ont considéré que ces informations doivent être fournies par les syndics de copropriété, et se sont mis à leur réclamer un « pré-état daté », des notaires envoyant même au syndic un « questionnaire » analogue à celui qu’ils envoient pour la préparation de l’acte authentique.
Cédant à cette mise devant le fait accompli, les fédérations FNAIM, UNIS et SNPI ont finalisé un modèle d’état récapitulatif, partant du principe qu’il incombe au syndic de le fournir. Tout en indiquant qu’il ne constitue pas un « état daté » au sens de l’article 5 du décret du 17 mars 1967 pré-cité, il se présente à peu près sous la même forme.
La question se pose de savoir si cette prestation peut être facturée au syndicat des copropriétaires. Pour le moment, la réponse est positive, mais à terme il faudra qu’elle soit mentionnée dans le décret qui doit fixer la liste limitative des honoraires hors forfait de gestion courante. Toutefois, même si elle l’était, les honoraires correspondants devraient être répartis à tous les copropriétaires ! En effet, l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, qui liste de manière limitative les prestations pouvant être imputées au seul copropriétaire concerné ne vise que les « honoraires du syndic afférents aux prestations qu’il doit effectuer pour l’établissement de l’état daté à l’occasion de la mutation à titre onéreux d’un lot » ; la loi « ALUR » a de surcroît prévu de plafonner ces honoraires par décret ; il reste en conséquence peu de place pour facturer des honoraires de « pré-état daté » au copropriétaire vendeur, et il est peu probable que les textes d’application y changent quelque chose ! Les syndics semblent donc en voie d’accepter à grande échelle de délivrer une prestation à laquelle ils n’étaient pas tenus, et sans pouvoir se faire rémunérer…
Reste une solution pour les syndics: considérer qu’il s’agit d’un service rendu à titre personnel au copropriétaire vendeur et le lui facturer directement, sans passer par la comptabilité du syndicat des copropriétaires, comme beaucoup de syndics le font quand ils font une copie du règlement de copropriété. Il faut cependant pour cela définir clairement cette prestation dans un contrat et y faire souscrire le copropriétaire, s’assurer qu’elle est couverte par l’assurance de responsabilité civile professionnelle lorsqu’elle est délivrée en dehors du mandat de syndic, et la faire payer également directement au cabinet et non par prélèvement sur la trésorerie du syndicat…